Du Capital (toujours rêvé d'un titre comme ça...)
Même au Chili, à plusieurs milliers de kilomètres, je ne peux m'empêcher de penser qu'il y a un an, presque jour pour jour, j'arrivais à Budapest. Un été caniculaire m'attendait, avec les surprises de la vie, d'un pays nouveau. Un de mes sujets de reportage, avait été la préparation de la Gay Pride 2008, la première en Hongrie. Aujourd'hui tout le monde connaît cette cérémonie, ce défilé de gens fiers d'afficher leurs libres consciences. En Hongrie, déjà l'année dernière, le premier défilé avait avorté. La raison? Une frange politico-militaire d'extrême droite menaçait de s'en prendre aux manifestants. Devant la menace, le gouvernement Gyurcsany déjà vivement critiqué, avait voulu évité une nouvelle révolte et avait fait annuler le défilé. Aujourd'hui, j'apprends, à plusieurs milliers de kilomètres que des heurs ont eu lieu dans le cadre de cette manifestation. Tout ou presque a été dit sur ce sujet, les commentaires foisonnent, la plupart ignorant la situation en Hongrie, se permettent un jugement. Voir ici pour plus de détails et de commentaires.
La stratégie du choc
Alors à qui la faute? Aux homosexuels
pour avoir provoqués? Aux néo-nazis pour leur débilité? Au
gouvernement pour n'avoir pas su gérer la situation? Et bien tout le
problème et là. Tout le monde et personne à la fois. Facile me
direz-vous, on accuse encore le système. Il faut comprendre que la
Hongrie est un «nouveau pays», comme les démocraties d'Europe
centrale, qui après avoir connu le communisme se sont adonnés avec
joie au capitalisme à outrance. Le communisme de par sa nature,
invasive et contraignante, ne permettait pas les différences. Le
libéralisme lui, les autorise et les attise. Alors si les gens sont
libres de penser, ils sont aussi libres de ne pas être d'accord. Si
ces fondements restent encadrés historiquement dans notre pays par
des valeurs égalitaires (etc...) il faut comprendre qu'il n'en est
pas de même pour ces «nouveaux» pays, qui ne connaissent aucune
limite dans leur développement. C'est le capitalisme à outrance. Je
rejoins alors l'analyse que Naomi Klein, la journaliste, écrivain et
militante canadienne, livre dans son dernier ouvrage, la stratégie
du choc. Elle y décrit les
bases du capitalisme fondamentaliste et affirme que les gouvernements
profitent de chocs brutaux, qu'ils soient naturels ou politiques
(Katrina, le tsunami, place Tiananmen, l'Irak, le 11-Septembre) pour
changer le fonctionnement économique de la société. Cette
stratégie du choc permettrait une rupture radicale et le
développement des fondements du néolibéralisme : élimination de
la sphère étatique, liberté complète des entreprises et réduction
des dépenses sociales. Ce qu'elle appelle, un capitalisme du
«désastre».
Allende vive y no muere, l'autre 11
septembre
Le premier élément déclencheur de
cette stratégie n'est autre que le coup d'Etat de Pinochet, le 11
septembre 1973 au Chili. Salvador Allende, alors Président du pays,
est assassiné. Le général Pinochet, aidé par... Nixon, prend
alors le pouvoir. On assiste à la triste naissance de la première
dictature capitaliste. Qu'est-ce que ça signifie? Appauvrissement de
la population, accroissement des disparités, exclusion de près de
la moitié des habitants du système économique, consumérisme
frénétique, bulle spéculative, corruption...
Aujourd'hui, enfin cette année, on
fête avec nostalgie les 100 ans de la naissance de Salvador Allende.
Et tout le monde ici semble vouloir se rappeler de ce message inscrit
sur les affiches de la campagne électorale du futur président, «Le
peuple uni, jamais ne sera vaincu». Ce capitalisme, lui, ne fait que
défaire nos liens... pour nous vaincre?